Études de cas
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🔎 Chevron et Texaco en Équateur
La lutte incessante menée par les communautés autochtones d’Amazonie équatorienne pour demander des comptes à Chevron après des décennies de destruction environnementale et de violations des droits de l’homme, constitue un cas particulièrement symbolique mettant en évidence le besoin d’une législation internationale contraignante qui prévienne l’impunité des entreprises et oblige les pollueurs à assumer leurs responsabilités. Malgré les nombreuses procédures juridiques engagées sur plusieurs décennies et impliquant plusieurs juridictions internationales, Chevron continue d’échappere avec succès à ses responsabilités pour les dommages irréparables qui continuent de ravager l’Amazonie.
Il y a déjà plusieurs décennies, quand Texaco (devenu Chevron) a découvert du pétrole en Équateur au milieu des années 60, les communautés autochtones et les petits exploitants agricoles d’Amazonie ont commencé à connaître des difficultés.[1] Pour optimiser les profits, l’entreprise a volontairement ignoré les protections environnementales et les réglementations sur les déchets, déversant des milliards de litres de liquides toxiques dans les rivières - polluant la nappe phréatique et détruisant les terres agricoles.[2][3][4]
La pollution causée par les activités de l’entreprise pendant deux décennies est à l’origine de préjudices directs irréparables pour la santé et la vie de plus de 30 000 personnes vivant dans de multiples communautés.[5] Plusieurs études évaluées par des pairs ont constaté une augmentation du risque de cancer dans la région.[6] En réponse à ces violations, les personnes touchées ont créé l’Union of the People Affected by Texaco-Chevron Operations (UDAPT) afin de faire valoir leurs droits devant les tribunaux et exiger que l’entreprise soit tenue responsable des conséquences de son action.[7] L’UDAPT affirme que l’entreprise a déversé 650 000 barils de pétrole brut et près de 80 milliards de litres de déchets toxiques dans les rivières et les sols de la jungle amazonienne, provoquant des effets à long terme sur la santé tels que des taux élevés de cancer, de malformations congénitales, de fausses couches et de pathologies respiratoires, entre autres affections chroniques.[8][9][10] Et selon Pablo Fajardo, l’un des avocats principaux de l’UDAPT, au moins « 2 000 personnes sont décédées d’un cancer dû aux toxines, à la pollution de l’eau et de l’air. »[11]
En 1993, l’UDAPT a engagé une action en justice contre l’entreprise aux États-Unis, stratégie juridique principale pour exiger de celle-ci qu’elle assume ses responsabilités, et ainsi obtenir une réhabilitation de l’environnement et réparation pour les dommages causés. L’entreprise (qui était alors Texaco) a demandé que les poursuites judiciaires soient dépaysées devant un tribunal de province en Équateur, qui en 2011 (après près de deux décennies de procès) avait statué en faveur de l’UDAPT et condamné Chevron-Texaco, en dernier ressort, à verser 9,5 milliards de dollars aux communautés affectées.[12] Et, malgré de très nombreux recours juridiques et diverses procédures d’appel de la part de l’entreprise, la décision prononcée à l’encontre de Chevron a été confirmée par les plus hautes autorités judiciaires du pays. En dépit de la décision confirmant l’une des plus fortes amendes jamais infligées à une compagnie pétrolière, aucune indemnité financière n’a été versée aux plaignants.[13]
Lors du procès de l’UDAPT, Chevron a également engagé des poursuites contre le pays devant des juridictions internationales dans le but de mettre en cause les procédures juridiques et la décision judiciaire rendue en Équateur, tout en cherchant à obtenir une indemnisation financière.[14] Parmi toutes les démarches juridiques agressives engagées par l’entreprise, Chevron a commencé à retirer tous ses actifs d’Équateur et a fui le pays pour éviter de payer pour les dégâts causés.
L’entreprise a même eu recours à l’arbitrage dans le cadre d’un traité bilatéral d’investissement entre l’Équateur et les États-Unis afin de bénéficier de décisions favorables pour tenter d’échapper à l’amende imposée en Équateur.[15][16] Au cours de ces procédures, l’entreprise a fait valoir que le gouvernement équatorien aurait dû mettre fin au procès intenté par les communautés et les peuples autochtones, connu sous le nom « Lago Agrio ». L’entreprise a affirmé qu’elle s’était affranchie de ses obligations de réhabilitation environnementale par un accord signé avec le gouvernement en 1996.[17] Dans le cadre de sa stratégie, et dans le cadre d’un mouvement appelé « harcèlement judiciaire » mené par 29 lauréats du prix Nobel[18], l’entreprise a lancé des accusations de corruption, de pots-de-vin et de fraude lors des procès équatoriens afin, d’une part, de faire annuler la décision initiale et, d’autre part, d’obtenir des centaines de millions de dollars aux frais du gouvernement équatorien.[19][20][21]
Dans le cadre de la saga judiciaire en cours, les communautés affectées se sont adressées à des tribunaux étrangers pour faire appliquer le verdict équatorien et cfaire échouer les tentatives de Chevron d’en appeler à des juridictions internationales favorables afin d’échapper à ses responsabilités. Des demandes de solidarité internationale ont été effectuées par le biais des tribunaux au Brésil, en Argentine et au Canada lnpe.[22]
Au vu des précédentes démarches visant à obliger les responsables à rendre des comptes et à la lumière de la récente victoire judiciaire de Chevron ordonnant au pays de payer éventuellement des millions en frais de justice, Pablo Fajardo déclare : « Donc, de quelles garanties juridiques, le cas échéant, les victimes de crimes commis par les entreprises peuvent-elles se prévaloir ? Absolument aucune. Le pouvoir économique s’impose et les entreprises achètent leur impunité. »[23]
Les personnes les plus directement touchées par les ravages causés par Chevron en Amazonie équatorienne se sont vu refuser systématiquement l’accès à toute forme de justice ou de réparation. Le cas de Chevron illustre à quel point les entreprises transnationales peuvent échapper à leurs responsabilités et poursuivre leurs activités en toute impunité, en dépit des graves violations du droit international. Le caractère offensif des démarches judiciaires engagées par Chevron auprès de plusieurs juridictions internationales, le recours à des accords commerciaux, les efforts destinés à devancer de nouvelles actions en responsabilité et les mesures visant à protéger l’entreprise en montant des structures complexes. Cette affaire confirme le besoin d’un instrument international qui oblige les entreprises à respecter les droits de la personne tout en offrant aux communautés des recours, des réparations et un accès à la justice.[24]
À cet égard, l’actuelle élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant constitue une démarche prometteuse. En 2014, l’Équateur a parrainé et soutenu le processus du Traité juridiquement contraignant aux Nations Unies,[25] présidé le Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme (OEIGWG).[26] Ce processus fait suite à une résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDH), et propose un mandat en vue de l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant afin de réglementer les activités des entreprises transnationales et autres entreprises dans le cadre du droit international des droits de l’homme[27] Pour de plus amples informations sur cet instrument juridiquement contraignant et les moyens de le promouvoir, voir ici.
🔎 Big Tobacco Master Settlement Agreement - Accord principal de règlement avec les grands cigarettiers
Récemment, une attention croissante a été accordée aux similitudes entre les manœuvres — comme la désinformation — de l’industrie du tabac et de l’industrie des combustibles fossiles.[28][29] L’industrie du tabac voulait empêcher l’adoption de mesures de protection de santé publique et, de leur côté, les gros pollueurs s’efforcent de retarder les mesures pour répondre au changement climatique. Aujourd’hui, alors que les poursuites contre l’industrie des combustibles fossiles s’intensifient, la manière dont l’industrie du tabac a finalement été tenue responsable aux États-Unis donne un éclairage utile à ceux qui souhaiteraient en faire de même avec l’industrie des combustibles fossiles et/ou avec d’autres grandes industries polluantes.
Le secteur des combustibles fossiles a dépensé d’énormes sommes pendant des décennies pour influencer ou réduire au silence les débats publics portant sur les effets de leurs produits, en vue d’affaiblir la volonté politique d’agir.[30] Ce n’est pas la première fois que des entreprises privilégiant les profits aux personnes causent un préjudice considérable. L’industrie du tabac a consacré des centaines de millions de dollars à désinformer le grand public sur les dangers du tabac pour la santé et ainsi nuire aux efforts entrepris par la lutte anti-tabac.[31][32]
Aux États-Unis, la vaste campagne menée par l’industrie du tabac pour tromper le public concernant les risques du tabac pour la santé publique a été révélée grâce à la divulgation de documents internes. En mai 1994, un lanceur d’alerte a divulgué à la presse des documents internes à l’industrie du tabac – faisant la une des grands journaux dans tout le pays.[33] La couverture médiatique de ces documents – et l’indignation publique qui a suivi – ont incité les lanceurs d’alerte du secteur à fournir de nouvelles preuves que l’industrie était au courant de la nocivité de ses produits.
Tout au long de cette année, des documents accablants filtrèrent au goutte-à-goutte, alimentant un flot régulier d’articles de presse. Alors que les dirigeants de sept cigarettiers s’efforçaient de désamorcer toute action en affirmant devant le Congrès qu’ils ne pensaient pas que la nicotine créait de dépendance, quelques jours plus tard, un document interne rendu public révélait qu’ils mentaient.Ces révélations ont donné lieu à une nette augmentation des poursuites contre l’industrie. Le premier recours collectif contre l’industrie était intenté, et les procureurs généraux des États se sont mis à engager des poursuites contre le secteur . Au cours des 18 mois suivants, une douzaine d’États ont porté plainte.
Au moment du Master Settlement Agreement, en 1998, 46 États avaient intenté une action en justice contre les géants du tabac. Le Master Settlement Agreement est la plus importante décision concernant un litige civil dans l’histoire des États-Unis ; elle s’est traduite par le règlement des poursuites intentées par les États, les cigarettiers leur payant des milliards de dollars en versements annuels, par de nouvelles restrictions sur la commercialisation du tabac et par la publication de millions de documents internes devenus accessibles au public.[34]
Les répercussions de ces procès ont été immenses. À mesure des poursuites engagées, l’opinion publique continuait d’évoluer. L’action intentée par le Minnesota est passée en justice et a donné lieu à la divulgation de millions de documents internes accablants.[35] Ces documents – qui faisaient la lumière de façon indéniable sur les stratégies employées par l’industrie pour tromper l’opinion publique et saper la politique de santé publique – ont renforcé la détermination des décideurs du monde entier à prendre des mesures. De fait, enhardis en partie par la publication de ces documents, les délégués au traité mondial de l’OMS sur le tabac (Convention-cadre pour la lutte antitabac),[36] ont lutté en faveur de fortes mesures de responsabilisation des entreprises.[37]
Aujourd’hui, ce traité qui constitue un précédent permet de sauver des vies,[38] après avoir ouvert la voie à des mesures de protection de la santé publique dans plusieurs pays, partout à travers le monde. Et, en fin de compte, le Master Settlement Agreement a contraint l’industrie du tabac à verser des milliards de dollars en dommages et intérêts à perpétuité. Ces sommes ont permis de compenser l’argent des contribuables consacré à la lutte contre les maladies liées au tabac et les pertes subies par les économies locales.
La récente cascade de poursuites et d’actions intentées contre l’industrie des combustibles fossiles est le signe évident d’une nouvelle dynamique en vue de la responsabilisation des industries polluantes pour les dégâts liés au changement climatique.[39][40] Et, comme le démontre l’expérience du Master Settlement Agreement, il est dans l’intérêt des agents publics de faire progresser les enquêtes sur l’industrie et de divulguer les documents internes qui fournissent les éléments propices permettant des actions en justice visant à demander des comptes aux entreprises. Comme l’illustrent les enquêtes sur l’industrie du tabac américaine et le MSA qui en a résulté, la divulgation publique et la publication de documents internes des entreprises du secteur des combustibles fossiles (et d’autres industries polluantes) permettraient d’assurer la surveillance et la publicité permanentes des actes répréhensibles. Avant toute chose, la mise en œuvre de cet enseignement permettrait aussi de prévenir les abus des entreprises. La conjugaison de la visibilité et de l’écho donnés à ces actions est à terme déterminante pour faire évoluer l’opinion publique et renforcer la volonté politique nécessaire à la promotion de la justice climatique dans le monde.
🔎 Pêcheurs indiens, Banque mondiale et Cour suprême des États-Unis
Budha Ismail Jam, et al v. Société financière internationale est un procès historique intenté par des pêcheurs et des agriculteurs indiens résidant au Gujarat, en Inde. Ces pêcheurs et agriculteurs ont engagé une action civile contre la Société financière internationale (IFC, d’après son acronyme anglais) en raison des graves préjudices causés à l’environnement local, en particulier l’écosystème marin, et des conséquences négatives sur le mode de vie traditionnel qui ont pour origine la méga-centrale électrique au charbon de 4 150 MW située à Mundra, exploitée par le groupe Tata et financée par l’IFC. L’important secteur de la pêche en Inde comprend plus de 4 millions de pêcheurs et plus de 870 000 familles.[41] Le long de la côte de l’État du Gujarat, des générations de communautés de pêcheurs et d’agriculteurs vivent des ressources naturelles du Gujarat, tout en les préservant, pour assurer leur subsistance et la production économique grâce à la pêche, l’agriculture, la saliculture et l’élevage.
En avril 2008, le conseil d’administration de l’IFC du Groupe de la Banque mondiale a approuvé un prêt de 450 millions de dollars afin de soutenir la méga-centrale électrique du groupe Tata à Mundra, détenue par sa filiale privée Coastal Gujarat Power Limited[42] – un projet « à haut risque » qui a ravagé la vie marine, l’eau, les terres agricoles et l’air – forçant les habitants des ports de pêche (appelés « bunders »)[43][44] à un déplacement physique et économique. Bien que la bataille juridique menée par les pêcheurs et les agriculteurs pour exiger des comptes de la part du plus grand organisme de développement mondial en raison des abus commis soit toujours en cours, cette affaire met en lumière les lacunes techniques et juridiques de l’International Organizations Immunities Act (IOIA) – loi de 1945 sur l’immunité des organisations internationales. Ces lacunes permettent aux institutions internationales, à l’instar du Groupe de la Banque mondiale, d’obtenir l’immunité « absolue » en cas de préjudices économiques et environnementaux causés par les projets qu’elles financent.[43][44][45] Pour autant, cette affaire crée un précédent historique qui peut permettre aux communautés de première ligne touchées par les abus des entreprises de demander des comptes aux institutions internationales qui permettent ces abus (et en sont donc complices).
Les milliards de dollars engagés par les institutions financières internationales (IFI) afin de financer des projets de développement essentiellement en faveur des pays du Sud, dans le cadre de programmes d’ajustement structurel (PAS)[46] , ont un coût social et environnemental élevé pour les communautés de première ligne, perpétuant la dégradation de l’environnement, creusant les inégalités et accentuant la pauvreté et la dépendance.[47][48][49][50][51] Ces PAS sont imposés aux pays dont la réglementation est laxiste et qui autorisent des investissements directs étrangers (IDE) plus importants, les diverses réglementations et normes étant souvent amoindries voire supprimées.[52] L’importance de cette affaire réside dans le défi ainsi posé pour les IFI qui continuent de cibler les pays du Sud dans leur quête de préservation des intérêts des entreprises et du système capitaliste.
Dans le sillage du lancement des activités de la centrale Tata à Mundra, les pêcheurs indiens résidant le long de la côte du Gujarat ont été confrontés à de sérieuses menaces pour les ressources marines vitales, notamment les réserves halieutiques. Les Bunders (ports) les plus proches ont été les plus touchés, avec de gigantesques pollutions thermiques dégradant l’écosystème marin local et la formation d’une importante couche de poussière et de cendres volantes dues au transport du charbon entre le port et la centrale, nuisant à la santé et au bien-être de l’environnement et des populations locales.[53][54] Les pêcheurs locaux ont fait état de nombreux préjudices environnementaux et physiques, notamment l’aggravation des problèmes respiratoires, qui ont affecté de manière disproportionnée les personnes âgées, et les températures exceptionnellement élevées probablement dues à l’important panache thermique provenant du canal de décharge de la centrale.[55] Malgré les engagements contraignants de l’IFC visant à garantir que le projet respecte les conditions sociales et environnementales de l’accord de prêt et le cadre de durabilité de l’IFC,[56] la centrale de Tata à Mundra a causé des dégâts environnementaux et sociaux sans précédent aux écosystèmes autrefois florissants de l’État du Gujarat.[57]
Bien que l’IFC ait répété à plusieurs reprises que « l’importance de l’électricité pour mettre fin à la pauvreté et instaurer la prospérité ne peut être sous-estimée [et que] le manque d’électricité compromet les possibilités d’éducation, de soins de santé, d’accès à l’eau propre, de liberté de mouvement et d’emploi »,[58] le prêt de l’IFC a causé beaucoup plus de mal que de bien. Ce prêt qui a permis de financer la construction de la centrale située à Mundra est à l’origine de préjudices directs et irréparables, notamment les menaces pour la santé, la destruction de biens, la perte de moyens de subsistance, la destruction de l’environnement et le déplacement économique et physique.[59][60] En 2011, en réponse à ces abus, Machimar Adhikar Sangharsh Sangathan (MASS, association de lutte pour les droits des travailleurs de la pêche) a déposé une plainte officielle auprès du Conseiller-médiateur pour l’application des directives (CAO) de l’IFC. Le CAO a publié des conclusions affirmant que l’IFC n’avait pas pris les mesures nécessaires pour garantir l’application de l’accord de prêt, et n’avait pas respecté ses engagements envers la communauté locale.[61][62] En 2013, le CAO a diffusé un rapport d’audit et critiqué le rôle joué par l’IFC eu égard aux préjudices environnementaux et sociaux considérables qui ont touché la côte du Gujarat. En dépit de ces affirmations fondées, l’IFC a finalement rejeté ou ignoré la plupart des conclusions du CAO.[63][64]
En avril 2015, au nom d’un groupe de pêcheurs et d’agriculteurs locaux, EarthRights International (ERI) a intenté une action en justice contre l’IFC devant la Cour fédérale de Washington, D.C., où l’IFC a son siège.[65] ERI représentait la MASS (l’organisation de pêcheurs) et le Navinal Panchayat (village), une entité publique locale.[66] L’IFC a toutefois déposé une requête en irrecevabilité de la plainte, invoquant l’immunité « absolue » à l’égard de poursuites devant les tribunaux américains en vertu de la loi sur l’immunité des entreprises,[67] – une notion confirmée par le juge du tribunal de district. Lorsque les plaignants ont fait appel,[68] la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit du district de Columbia a confirmé la décision du circuit de Washington D.C., faisant droit à la demande d’« immunité absolue » de l’IFC.[69]
Le 27 février 2019, une décision historique a jugé que les organisations internationales,[70] y compris le Groupe de la Banque mondiale, pouvaient être poursuivies devant les tribunaux américains à raison de leurs activités commerciales.[71][72] Bien que le jugement constitue un précédent inouï en matière de responsabilisation, l’IFC a déposé une nouvelle requête en vue de débouter le demandeur.[73] Un an plus tard, en février 2020, la demande de rejet de l’IFC a été accordée et le juge a statué que « la poursuite n’est pas, dans son essence, fondée sur une activité – commerciale ou autre – menée ou exercée aux États-Unis ».[74] L’affaire se poursuivant devant les tribunaux américains, Budha Ismail Jam a déclaré : « Pour sauver nos moyens de subsistance et protéger notre environnement pour les générations futures, nous ne voyons pas d’autre solution. Nous savons que nous faisons face à une institution riche et puissante, mais nous sommes déterminés à faire entendre notre voix. Nous continuerons à demander justice. »[75]
Dans le cadre de la bataille juridique en cours entre les pêcheurs et les agriculteurs d’une part, et l’IFC d’autre part, cette affaire remet fondamentalement en question la portée de l’immunité des institutions internationales face aux poursuites judiciaires et amène à se demander dans quelles mesures les institutions financières internationales telles que l’IFC peuvent être tenues légalement responsables des préjudices environnementaux, sociaux et économiques causés à travers les projets qu’elles financent. Si la responsabilité de l’IFC est confirmée, la décision créera ainsi un précédent et il sera plus difficile pour les institutions internationales, y compris pour la Banque mondiale, de négliger leur devoir moral et leur obligation de protéger les personnes et l’environnement au lieu de privilégier les profits. Si justice est rendue aux pêcheurs et aux agriculteurs du Gujarat, d’autres communautés seront également incitées à demander des comptes à l’IFC et à engager des poursuites.
Toutefois, les pêcheurs et les communautés agricoles sont confrontés à d’importantes difficultés et carences, car les recours juridiques demandent beaucoup de temps, parfois des années. Et malgré la décision historique de la Cour suprême des États-Unis, la centrale de Tata à Mundra continue de polluer les terres et les eaux du Gujarat, détériorant les écosystèmes au fil du temps.
Cette affaire constitue une étape importante en vue de garantir que les organismes financeurs comme les IFI soient tenus responsables des préjudices causés par les projets qu’ils financent, bien qu’il convienne également de noter qu’outre ces préjudices, chercher à obtenir justice exige un temps, des ressources et une énergie considérables de la part des communautés en première ligne.
Les démarches incessantes de l’IFC visant à utiliser l’IOIA comme prétexte pour faire fi de ses responsabilités renforcent la nécessité d’une interprétation plus claire de cette loi mais aussi de la Foreign Sovereign Immunities Act (FSIA) – loi relative à l’immunité souveraine – en termes d’immunité absolue et restrictive. Cela étant dit, tout le monde ne peut pas demander réparation face à des dommages environnementaux, sociaux ou économiques. Au même titre que d’autres institutions internationales, l’IFC doit améliorer ses mécanismes internes de réclamation afin de donner la priorité aux communautés locales, renforcer l’engagement communautaire et faire des recours un outil essentiel pour les victimes de violations des droits de l’homme, dans le cadre de ses activités internationales.
En outre, les institutions et les organisations doivent réfléchir à l’importance de la responsabilisation et des recours, avant même que de tels projets ne soient conçus, mis en œuvre et enfin financés.
🔎 Primauté des droits de la nature
L’Équateur, la Bolivie, l’Inde et la Nouvelle-Zélande sont tous à l’origine de premières mesures destinées à reconnaître officiellement les droits de la nature, f et à concrétiser résolument la primauté des droits de la nature et des droits de la personne par-dessus tout. Voici un aperçu de la situation dans chaque pays :
- Équateur : en 2008, à l’issue d’un référendum national, l’Équateur a amendé sa constitution afin de prendre en considération les droits de la nature.[78] Ce pays était le tout premier à prendre de telles mesures. Selon la constitution équatorienne, la Pachamama (la Terre-Mère) a le droit à « ce que soient intégralement respectés son existence, le maintien et la régénération de ses cycles vitaux, sa structure, ses fonctions et ses processus évolutifs. » Chaque personne, chaque communauté a le droit de plaider en son nom. La Pachamama échappe ici à toute personnification directe. Elle est, au contraire, titulaire de droits en tant que « nature », distincte des « personnes, des peuples, des communautés et des nationalités » et des « personnes physiques et morales. »
- Bolivie : la reconnaissance juridique de la « Terre-Mère » en 2010 relève d’un « intérêt public collectif. »[79] Plutôt que d’attribuer directement une personnalité juridique à la nature, la loi bolivienne en appelle à la domination des êtres humains sur le reste de la nature. Ainsi, toute la nature, y compris les êtres humains, a des droits « humains » que la loi énumère. Cette démarche est liée au fondement holistique de la loi — protéger la nature en tant que système, et non simplement des forêts, des cours d’eau, des lacs, etc.
- Inde : les avancées des droits de la nature permettent d’envisager d’attribuer des droits à des éléments naturels distincts, dans un cadre juridique granulaire favorable à la protection de la nature, plutôt que protéger la nature dans son ensemble, au sens large. En 2012, un procès de la Cour suprême indienne a reconnu qu’il était légitime de tenir compte juridiquement des conceptions non anthropocentriques de la protection de la nature.[80] Le procès Animal Welfare Board of India contre A. Nagaraja a permis d’étendre l’article 21 de la constitution indienne relatif au droit à la vie à des animaux non humains. En 2013, le ministère de l’Environnement et des Forêts de l’Inde a déclaré que les cétacés étaient des « personnes non humaines » pour tenter de les protéger des dangers qui les menacent. En mars 2017, un tribunal indien a accordé des droits individuels au bassin du Gange – qui est aussi menacé au plan écologique qu’il est important au plan environnemental.
- Nouvelle-Zélande : en Nouvelle-Zélande, comme en Équateur et en Bolivie, les droits de la nature sont devenus une réalité, en grande partie en raison de l’influence de la vision autochtone des liens entre les êtres humains et le monde.[81] Aux yeux d’une tribu maorie (iwi), d’une sous-tribu (hapu) ou d’un groupe de famille élargie (whanau), telle rivière ou telle montagne peut être un ancêtre (tupuna). Cette généalogie – ou whakapapa – est essentielle dans la vision du monde des Maoris. Leur idée de la personnalité environnementale a rapidement été reprise dans des décisions visant à attribuer une personnalité à la rivière Whanganui et à la forêt Te Urewera. En 2014, le projet de loi fondé sur l’accord entre le gouvernement et une tribu maorie concernant la personnification de Te Urewera a acquis force de loi, créant ainsi la première personne juridique environnementale en Nouvelle-Zélande. Le statut de la rivière Whanganui a rapidement emboîté le pas.
Il est essentiel de noter que dans ces quatre cas, le fait de conférer des droits à la nature dans ces pays ne s’est pas encore concrétisé par une mise en œuvre ayant permis de renforcer de manière tangible l’accès à la justice ou de faire progresser la responsabilisation. Dans certains cas, on craint que cette mesure, prise isolément et sans dispositions d’application complémentaires dans le cadre de cette feuille de route, puisse donner l’impression de défendre la justice et la responsabilité sans réellement passer à l’acte. Il est également important que toutes les mesures prises pour protéger les droits de la nature renforcent et soutiennent les droits des personnes, des communautés locales (notamment les paysans, les pêcheurs, les populations nomades et rurales), des peuples autochtones ainsi que les droits collectifs, plutôt que de favoriser l’un au détriment de l’autre. Plus d’informations ici sur les moyens d’instaurer les droits de la nature de manière à promouvoir l’obligation de rendre des comptes pour les industries polluantes et de rendre justice aux personnes.
1 Aldo Orellana López, “Chevron vs Ecuador: international arbitration and corporate impunity,” openDemocracy, March 27, 2019, https://www.opendemocracy.net/en/democraciaabierta/chevron-vs-ecuador-international-arbitration-and-corporate-impunity/.
2 James North, “How a Human Rights Lawyer Went From Hero to House Arrest,” The Nation, March 31, 2020, https://www.thenation.com/article/activism/steven-donziger-chevron/.
3 “Chevron wins Ecuador rainforest ‘oil dumping’ case,” BBC News, September 8, 2018, https://www.bbc.com/news/world-latin-america-45455984.
4 Rex Weyler, “Steven Donziger: The man who stood up to an oil giant, and paid the price,” Greenpeace, February 26, 2020, https://www.greenpeace.org/international/story/28741/steven-donziger-chevron-oil-amazon-contamination-injustice/.
5 “Who We Are,” Texaco Toxico, accessed August 25, 2020, http://texacotoxico.net/en/who-we-are/.
6 Lago Agrio Legal Team, “Summary of Independent Health Evaluations of Area of Ecuador’s Rainforest Where Chevron Operated from 1964 to 1990,” Clean up Ecuador Campaign, accessed August 25, 2020, https://chevroninecuador.org/assets/docs/cancer-summary.pdf.
7 “Who We Are,” Texaco Toxico, accessed August 25, 2020, http://texacotoxico.net/en/who-we-are/.
8 Willian Lucitante Criollo, “Call of the People Affected by Texaco to Chevron’s Shareholders,” Union of people affected by the oil operations of Texaco (now Chevron), May 21, 2018, http://texacotoxico.net/en/call-of-the-people-affected-by-texaco-to-chevrons-shareholders/.
9 “The Chevron Case in Ecuador: Corporate Impunity,” The Global Campaign to Reclaim Peoples Sovereignty, Dismantle Corporate Power and Stop Impunity, accessed August 25, 2020, https://www.stopcorporateimpunity.org/chevron-impunity-in-ecuador/.
10 Aldo Orellana López, “Chevron vs Ecuador: international arbitration and corporate impunity,” openDemocracy, March 27, 2019, https://www.opendemocracy.net/en/democraciaabierta/chevron-vs-ecuador-international-arbitration-and-corporate-impunity/.
11 Aldo Orellana López, “Chevron vs Ecuador: international arbitration and corporate impunity,” openDemocracy, March 27, 2019, https://www.opendemocracy.net/en/democraciaabierta/chevron-vs-ecuador-international-arbitration-and-corporate-impunity/.
12 “The Case,” Texaco Toxico, accessed August 25, 2020, http://texacotoxico.net/en/the-case/.
13 Jonathan Watts, “Nobel laureates condemn 'judicial harassment' of environmental lawyer,” The Guardian, April 18, 2020, https://www.theguardian.com/world/2020/apr/18/nobel-laureates-condemn-judicial-harassment-of-environmental-lawyer.
14 Aldo Orellana López, “Chevron vs Ecuador: international arbitration and corporate impunity,” openDemocracy, March 27, 2019, https://www.opendemocracy.net/en/democraciaabierta/chevron-vs-ecuador-international-arbitration-and-corporate-impunity/.
15 Rex Weyler, “Steven Donziger: The man who stood up to an oil giant, and paid the price,” Greenpeace, February 26, 2020, https://www.greenpeace.org/international/story/28741/steven-donziger-chevron-oil-amazon-contamination-injustice/.
16 Aldo Orellana López, “Chevron vs Ecuador: international arbitration and corporate impunity,” openDemocracy, March 27, 2019, https://www.opendemocracy.net/en/democraciaabierta/chevron-vs-ecuador-international-arbitration-and-corporate-impunity/.
17 “The Case,” Texaco Toxico, accessed August 25, 2020, http://texacotoxico.net/en/the-case/.
18 Jonathan Watts, “Nobel laureates condemn 'judicial harassment' of environmental lawyer,” The Guardian, April 18, 2020, https://www.theguardian.com/world/2020/apr/18/nobel-laureates-condemn-judicial-harassment-of-environmental-lawyer.
19 “Chevron wins Ecuador rainforest ‘oil dumping’ case,” BBC News, September 8, 2018, https://www.bbc.com/news/world-latin-america-45455984.
20 “Chevron/Texaco in Ecuador: Impunity for Corporate Crimes Secured by the Injustice of a Commercial Court,” Texaco Toxico press release, September 12, 2018, on the Texico Toxico website, https://www.stopcorporateimpunity.org/chevron-texaco-in-ecuador-trade-arbitration-tribunal-rules-in-favour-of-corporate-crimes/?lang=es., accessed August 25, 2020.
21 Aldo Orellana López, “Chevron vs Ecuador: international arbitration and corporate impunity,” openDemocracy, March 27, 2019, https://www.opendemocracy.net/en/democraciaabierta/chevron-vs-ecuador-international-arbitration-and-corporate-impunity/.
22 “The Case,” Texaco Toxico, accessed August 25, 2020, http://texacotoxico.net/en/the-case/.
23 Aldo Orellana López, “Chevron vs Ecuador: international arbitration and corporate impunity,” openDemocracy, March 27, 2019, https://www.opendemocracy.net/en/democraciaabierta/chevron-vs-ecuador-international-arbitration-and-corporate-impunity/.
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